Migrations -Voici pourquoi le « retour au bled » est une bonne « thérapie »…

Migrations -Dans un excellent entretien livré à Middle East Eye, Jennifer Bidet, sociologue des migrations et maîtresse de conférences à l’université Paris-Descartes, et aussi chercheuse au Centre de recherches sur les liens sociaux (CERLIS), s’est intéressée aux séjours estivaux en Algérie des descendants d’immigrés algériens.

La sociologue explique comment est vécue la binationalité des Franco-Algériens au cours de leurs voyages d’été dans le pays de naissance de leurs parents

Cette enquête qu’elle avait menée pendant trois étés successifs (en 2009, 2010 et 2011), durant lesquels elle avait interrogé une cinquantaine d’individus de profils socio-professionnels divers, a d’abord été restituée dans une thèse soutenue en 2013, puis dans le livre Vacances au Bled : la double présence des enfants d’immigrés, paru en 2021 aux éditions Raisons d’agir.

Les entretiens collectés sur les deux rives de la Méditerranée ont permis à Jennifer Bidet de comprendre comment les immigrés de seconde génération perçoivent leur lien avec l’Algérie, mais aussi leur sentiment d’appartenance au pays alors qu’ils vivent et sont souvent nés en France.

Cette perception varie, d’après elle, selon les parcours de vie des vacanciers, leur histoire familiale et leur positionnement dans les hiérarchies de classe aussi bien en Algérie qu’en France. Les plus diplômés intellectualisent le rapport avec la terre de leurs ancêtres en concevant leurs séjours comme des voyages initiatiques, un moyen de s’interroger sur leur identité et leur histoire.

migrations djaliadz

Dans son ouvrage, Jennifer Bidet fait un clin d’œil au travail du grand sociologue de l’immigration Abdelmalek Sayad, en opposant à sa théorie sur la double absence des immigrés la double présence de leurs enfants, à travers une identité à cheval entre la France et l’Algérie. L’ouvrage explore aussi les assignations ethno-sociales auxquelles sont renvoyés les enfants d’immigrés. En Algérie, beaucoup ont la sensation de ne plus subir le racisme auquel ils sont confrontés en France. Compte tenu du niveau de vie en Algérie, ils ont également accès plus facilement à des loisirs nettement plus chers là où ils vivent habituellement dans l’Hexagone.

« On s’est aperçu, bien après, que les immigrés ne sont pas seulement des travailleurs, mais ont des familles et des enfants qui ont grandi en France. Il est fascinant de voir d’ailleurs qu’en parlant des descendants d’immigrés, beaucoup pensent à des jeunes de quartiers, sans faire de distinction entre les différentes catégories d’âge et de milieu social.

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-« Parmi mes amis, certains ont été confrontés à ce genre de perception. C’est pour cela que j’ai voulu, en tant que sociologue, renverser le regard en m’intéressant à la place que ces descendants d’immigrés ont dans la société, non pas du point de vue du pays dans lequel ils vivent mais du point de vue du pays auquel on les renvoie beaucoup et avec lequel ils ont une attache plus ou moins forte à travers leurs parents et ces fameuses vacances au Bled.

« Ces vacances font partie d’un imaginaire collectif. Tout le monde par exemple connaît la fameuse chanson de la fin des années 90 « Tonton du Bled » du groupe 113. En suivant des descendants d’immigrés pendant leurs vacances en Algérie, j’ai voulu savoir comment ils se voient, si leur présence en Algérie modifie leur déclaration d’appartenance et s’ils sont confrontés à des assignations qui leur reprochent par exemple de ne pas être suffisamment algériens, comme on peut leur reprocher en France de ne pas être assez français.

« Certains ont un discours très structuré et introspectif. Ils conçoivent leurs vacances en Algérie comme un moyen de s’interroger sur l’histoire de leur famille, sur leur lien avec le pays et leur propre identité

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-« Ce sentiment de présence provisoire a d’ailleurs alimenté la théorie de la double absence du sociologue Abdelmalek Sayad : les immigrés sont absents physiquement de l’Algérie mais ils n’ont pas non plus leur place en France. Avec le temps, cette analyse a évolué, tout comme la manière dont les immigrés voient leur retour en Algérie. Parmi les personnes que j’ai interrogées, certains ont un discours très structuré et introspectif. Ils conçoivent leurs vacances en Algérie comme un moyen de s’interroger sur l’histoire de leur famille, sur leur lien avec le pays et leur propre identité. Pour eux, le séjour s’apparente à un voyage initiatique.

« Ce qui est apprécié aussi est la sensation de ne pas être victime de racisme. [ migratios …] Ils ont même l’impression qu’il y a une forme d’envie d’une partie de la société algérienne, qui les considère comme plus riches. Mais pour la majorité, les vacances sont plutôt synonymes de détente, avec des virées à la plage, des invitations à des mariages… Alors oui, le profil sociologique des descendants d’immigrés a une influence sur la manière dont ils perçoivent leurs vacances en Algérie.

« Ceux qui se trouvent dans une quête mémorielle sont plutôt des individus qui ont fait des études supérieures et font partie des classes moyennes et supérieures. Ils ont l’impression à travers leur trajectoire d’être décalés par rapport à leurs origines sociales et nationales migration . Le milieu social détermine aussi la façon dont les vacanciers passent leur séjour en Algérie, leurs préférences en matière de loisirs par exemple.

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