De plus en plus utilisé pour lutter contre la fraude aux allocations familiales, l’algorithme de la CAF, qui donne une note aux allocataires sur la base de leur situation économique et sociale, est dans le viseur d’une enquête menée par Radio France, faisant suite à une première mise en garde de la Quadrature du Net.
Des contrôles d’allocataires basés sur des calculs menés par un algorithme, l’établissement d’une note qui peut vous classer comme fraudeur potentiel en fonction de divers critères plus ou moins obscurs, des aides qui sont supprimées de manière arbitraire, ces pratiques de la Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF) sont au cœur d’une enquête menée par un journaliste de Radio France, qui dénonce le glissement progressif de l’organisme de distribution d’aides sociales vers la mise en place d’un contrôle aigu des plus précaires, considérés comme ayant un risque de fraude accru.
« On est devenu une mini-PME. On n’est plus là pour aider les gens, mais pour faire du chiffre », fustige un employé d’une des caisses départementales de la CAF.
Allocations familiales : le « Datamaning » pour identifier les fraudes
La CNAF a recours à une technique numérique de statistiques prédictives, le « Datamaning », généralisée depuis 2010. Cette dernière consiste, en croisant diverses données dans différentes administrations à identifier les risques d’erreurs ou de fraude dans un dossier d’allocataire. La Caisse Nationale d’Allocations Familiales a en fait développer une « politique d’automatisation du déclenchement des contrôles », selon le sociologue Vincent Dubois, professeur à l’Institut d’Études Politiques (IEP) de Strasbourg et auteur de l’ouvrage Contrôler les assistés. Genèses et usages d’un mot d’ordre interrogé par France info.
Allocations familiales : comment fonctionne l’algorithme anti-fraude de la CAF ?
Une journaliste indépendante livre un aperçu du fonctionnement de ce système : en mars 2021, après avoir échangé avec la CAF qui lui réclamait injustement un trop-perçu de 542 euros, Lucie découvre qu’on lui a attribué un « score de risque ». Elle s’est ensuite aperçue qu’elle avait une « note de 0,4 ». « Je n’étais donc pas trop risquée… Mais un petit peu quand même. « Je me suis alors rendue compte que ma déclaration d’aide au logement et de prime d’activité passait par la moulinette de l’algorithme de la Caisse des Allocations Familiales », poursuit la journaliste.
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Allocations familiales : quels sont les critères qui affectent cette note ?
« Être pauvre, toucher les minima sociaux, être travailleur·se précaire ou bien une femme isolée », avance La Quadruple du Net.
Pour aller plus loin encore, la CNAF a créé un « profil type de présumé fraudeur », selon Noémie Levain, juriste à La Quadrature du Net. Le principe, « Un score de risque est attribué à chaque allocataire. Plus ce score se rapproche de 1 et plus le risque de subir un contrôle est élevé. »
Pourquoi la Caisse des Allocations Familiales note-t-elle ses allocataires ?
Le principal argument avancé par la direction de la CAF est de lutter plus efficacement contre les cas de fraude ou de mauvaise déclaration. Afin de motiver ses employés à débusquer les fraudeurs, l’organisme d’aides a mis en place un système de prime d’intéressement calculé en en fonction des objectifs atteints par les caisses locales. Or, un représentant CGT dans les instances nationales de la Sécurité sociale, Yves Alexis, explique que, parmi ces objectifs, « il y a les délais de traitement, l’accueil… mais aussi la détection de fraudes ».
Le problème est que ce système de notation est pénalisant pour les personnes précaires, qui présentent un risque accru de se voir délivrer une mauvaise note. En effet, à l’opposé d’un contrôle aléatoire qui donnerait à chaque personne la même probabilité de se faire contrôler, le système de notation mis en place par l’algorithme rend une personne précaire, par exemple touchant les minima sociaux ou multipliant les aides, plus susceptible de se faire contrôler. Et donc de voir son allocation être supprimée.
Allocations Familiales :Un taux de fraude qui reste pourtant très faible
Pourtant, plusieurs spécialistes du sujet estiment que la triche aux aides sociales reste très faible en France, surtout si on la compare à d’autres fraudes, comme la fraude fiscales ou celle aux cotisations sociales. Ainsi, un rapport de la Cour des comptes estime que le montant des fraudes s’établirait aux alentours 309 millions d’euros en 2021, soit un taux de 0,39 % rapporté à l’ensemble des prestations versées.
Cela reste minime comparé aux autres types de fraudes précédemment cités, comme la fraude aux cotisations sociales des employeurs, qui est estimée entre 7 et 25 milliards d’euros, ou encore au montant de la fraude fiscale qui est estimée autour de 80 milliards d’euros, toujours selon la Cour des comptes.
La CAF réfute les chiffres délivrés par la Cour des comptes, estimant à 2,8 milliards d’euros la fraude aux aides sociales, sur un échantillon de 6 000 dossiers
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