Projet de loi immigration – le texte, présenté mercredi 1er février 2023 en conseil des ministres, prévoit de faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers tout en renforçant les possibilités d’expulsion.
Le retour du concept du travail dans un débat trop souvent accaparé par celles de la sécurité ou de l’identité est à saluer.
Il avait disparu depuis près de quatre décennies du vocabulaire politique français, le « travailleur immigré » y revient grâce à la pénurie de main-d’œuvre, qui justifie, d’après le gouvernement, le volet « régularisation » du projet de loi destiné à « contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » adopté, mercredi 1er février 2023, en conseil des ministres.
Indépendamment des plusieurs réserves et critiques à adresser à un texte – la 21eme réforme du genre depuis 1980 – lancé sans même que la précédente loi sur le sujet, votée en 2018 « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », ait fait l’objet de la moindre évaluation, il faut saluer le retour de la thématique du travail dans un débat trop souvent accaparé par celles de la sécurité ou de l’identité.
Longtemps gérées par le ministère des affaires sociales, les questions migratoires sont passées presque uniquement, depuis plus de 30 ans, sous la tutelle de celui de l’intérieur, au risque des impasses induites par une vision exclusivement policière.
Dans la réalité, les immigrés n’ont jamais cessé d’être – également – des travailleurs, des contribuables, des cotisants. Il a fallu la crise sanitaire de Covid-19, et celle du travail qui s’en est suivie, pour que cette réalité pourtant très visible – qui cuisine dans les restaurants, manie le marteau-piqueur, s’active sur les échafaudages, vide nos poubelles, livre nos colis, etc. ? – s’impose.
Lire également : Titre de séjour 2023 : comment renouveler le titre de séjour
Par contradiction, le silence qui prévalait auparavant met en lumière l’hypocrisie d’un certain patronat et la pusillanimité des responsables politiques.
Ce constat conduit également à s’interroger sur les véritables raisons pour lesquelles l’actuel gouvernement a crû bon de compléter un projet de loi destiné à faciliter les expulsions d’étrangers en situation irrégulière par des dispositions prévoyant la délivrance de titre de séjour d’un an à des étrangers sans-papiers travaillant dans des « métiers en tension ».
Une telle régularisation aurait pu être décidée par voie réglementaire, à titre d’exemple au moyen d’un élargissement du champ de la circulaire Valls de 2012.
Projet de loi immigration : postures politiques
Simple équilibre rhétorique du « en même temps » personnifié par les 02 ministres qui défendent le texte, Olivier Dussopt pour le travail et Gérald Darmanin pour l’intérieur, ou manière de justifier des dispositions répressives ?
L’affichage, dans de telles conditions, de la question importante de l’emploi des immigrés paraît relever d’un usage politicien du thème de l’immigration. Une critique comparable peut être présentée à l’opposition de gauche : pourquoi exclut-elle de voter les dispositions prévoyant des régularisations qui vont sortir des immigrés de la précarité, et qu’elle réclame elle-même ?
A lire aussi : Les prix des billets d’avion sur Air Algérie sont les moins chers
L’extrême droite n’a que trop bénéficié de ces débats récurrents sur l’immigration réduite à un jeu de rôle où l’on prétend répondre aux attentes de la communauté française en « agissant ». Déjà, la plus importante des controverses porte sur les stratégies et les postures qui vont permettre – ou non – au projet de loi Darmanin-Dussopt d’être adopté.
Les électeurs méritent mieux que cette joute aux retombées potentiellement délétères : un large débat où seraient exposés la place de la France dans les flux mondiaux et l’état de ses relations avec les pays de départ, le potentiel de formation et les besoins de l’économie, au terme duquel serait élaborée et décidée, comme est en train de le faire l’Allemagne, une conception d’ensemble assortie des mesures concrètes et des moyens pour la mettre en œuvre.
Suivez nous sur : facebook